Vive le carême
Temps béni du carême ! où nous sommes tous invités, le Peuple de Dieu tout ensemble : les anciens, petits enfants et nourrissons, le jeune époux et la jeune mariée, les prêtres (Joël 2). Ce temps est béni parce qu’il nous prépare et nous conduit vers la grande fête de Pâques, là où nous sommes nés (pensons aux nouveaux baptisés, à ceux qui recevront la confirmation au temps pascal). Le prophète Joël disait encore : « Prescrivez un jeûne sacré, annoncez une fête solennelle » ; l’annonce d’une fête est toujours une joie. C’est pourquoi nous préparons Pâques dans la joie, nous entrons en carême en habit de joie, la tête parfumée, le visage lavé. Le temps sacré de la pénitence et la fête solennelle, la joie de la Résurrection se donnent la main et marchent d’un même pas.
Dieu nous appelle, Il désire renouveler et raffermir au fond de nous notre esprit, aller au plus secret, c’est-à-dire là où nous prenons toutes nos décisions. Demandons-Lui une nouvelle détermination, puisque rien ne se passera que nous n’ayons au préalable décidé. « Que l’esprit généreux me soutienne » demandait le psalmiste. Nous le demandons nous aussi : que nous n’en manquions pas de générosité pour vivre ce carême comme le temps du plus grand amour, le temps de multiplier le bien et notre capacité de faire le bien. Le carême est un temps pour grandir, de l’intérieur vers l’extérieur, comme les plantes qui commencent par s’enraciner avant de bourgeonner. Le bien a besoin de s’enraciner dans nos vies afin de se multiplier.
Le carême s’inscrit dans le temps long… parce que Dieu n’a pas pour nous un projet à court terme. Il nous veut vivants, vivants de sa vie qui est éternelle. Nous pensons souvent l’éternité comme une durée qui ne finit pas, or elle est avant tout un présent qui nous est offert. La vie éternelle est d’abord qualitative avant d’être quantitative. Qu’est-ce qui me fait vivre ? Qu’est-ce qui est vraiment important ? Quel est le sens de ma vie ? Telles sont les questions que le Seigneur nous posent au début de ce chemin de retour vers Lui.
Les cendres que nous allons recevoir sur le front sont une invitation à nous ouvrir au don de Dieu. Elles nous disposent à l’humilité : « Devant Toi, Seigneur, je ne suis que poussière. Relève-moi de la poussière de ma misère. Revêts-moi de ta miséricorde, de ton amour. Que je sois juste de ta justice. » Ce n’est pas nous qui devons nous rendre justes, nous ne le pouvons pas. Jésus nous sort de cette illusion. C’est Lui qui nous rend juste, Il rétablit l’alliance entre Dieu et nous, Il nous rend à son Père et notre Père, en nous introduisant dans le Peuple de Dieu par sa grâce. Puisse ce carême nous donner une conscience plus grande de notre appartenance au peuple de Dieu, une conscience renouvelée de notre vocation et de notre mission.
Trois moyens : l’aumône, la prière et le jeûne. Il est peut-être bon de les garder dans l’ordre où Jésus les énonce, comme un ordre de priorité afin de ne pas croire qu’un bon carême est un carême où j’aurais beaucoup jeûné. Un bon carême est un carême où j’ai beaucoup aimé. Mais il s’agit bien de vivre ces trois moyens.
L’aumône, c’est ma relation avec les autres, mon prochain. Que puis-je leur offrir ? Qu’ai-je à partager ? Ne serait-ce qu’un peu de mon temps, un regard, un sourire (qui est souvent la meilleure des pénitences), une bonne parole, un peu de nourriture, un repas, une visite, un service, mon argent.
La prière, c’est ma relation avec Dieu. Il n’est pas loin Celui qui se fait si proche dans le secret du tabernacle ou dans le secret de notre chambre. Permettons-Lui de nous rencontrer dans le silence, de nous parler cœur à cœur. Il veut nous visiter.
Le jeûne, c’est ma relation avec moi-même, mes envies, mes besoins, mes désirs. Le jeûne me questionne sur ce qui est vraiment important. A quoi je consacre mon intérêt, mon temps ? Le jeûne ne fait pas que des trous dans mon estomac ! Il ouvre un espace dans ma vie pour Dieu, pour les autres. Il marque une place vide pour le don : celui de la vie que Dieu veut me faire mais qu’Il ne peut me faire que si je ne suis pas déjà comblé par ce qui n’est pas Lui.
Abbé Pierre PEYRET
Comments are currently closed.