Homélie de carême : Donner et recevoir.
Troisième Dimanche de Carême :
Celui qui aime ne craint pas de donner mais il ne craint pas non plus de recevoir. Si Jésus reste là, près de la source, c’est parce qu’Il est fatigué nous dit l’Evangile : Il s’est donné à la mission, Il était auparavant en Judée pour baptiser, communiquer la vie divine, sa vie, et, Le voilà en route pour la Galilée. L’amour ne craint pas la fatigue mais il en tient compte : aussi bien pour ne pas épuiser les autres que pour ne pas s’épuiser soi-même. Celui qui aime ne craint pas de donner mais il sait se reposer pour refaire ses forces ; il sait se poser près de la source pour recevoir les forces nécessaires pour aimer.
C’est l’heure la plus chaude et c’est justement ce moment que la femme a choisi pour venir au puits. Peut-être pour s’y retrouver seule, pour ne rencontrer personne. Il semble qu’elle vive une certaine pauvreté affective, sa vie matrimoniale a été compliquée. Elle a du mal à établir des relations avec les autres, elle n’a peut-être même pas d’amis. Elle vient à la source mais elle y vient au moment le moins favorable, elle aimerait même ne plus avoir besoin d’y venir : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. » Ce dialogue nous rappelle celui avec Nicodème ; Nicodème aussi n’a pas compris tout de suite ce que Jésus lui disait. Nous sommes trop fixés sur nos manières de penser, submergés par nos problèmes, écrasés par trop de difficultés.
Mais c’est Jésus qui va d’abord se mettre en situation de demander, Il quémande, Il mendie à boire. Nous ne sommes pas toujours prêts à parler à quelqu’un, encore moins à lui ouvrir notre cœur, à livrer l’essentiel de notre vie. Dans cette attitude, pleine de délicatesse, Jésus permet à la femme d’exprimer ce qu’elle porte en elle, ses questions, sa recherche, sa soif. Il fait tomber toute prévention, tout ce qui pourrait faire obstacle à la grâce, au don qu’Il est venu lui faire à elle aussi, à cette femme et à nous.
« La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs » dit Saint Paul dans la 2ème lecture de ce dimanche. La femme était encore loin, Jésus l’attendait, Il la voyait déjà et Il connaît sa vie, sa vie compliquée, dans laquelle elle semble répéter sans cesse les mêmes erreurs, dans laquelle les autres lui font vivre les mêmes échecs. La solution n’est pas dans un éternel recommencement, dans une fuite de l’autre. Le lien doit être recréé, réparé, le premier lien, celui avec Dieu.
Jésus ouvre chez cette femme un chemin intérieur, Il fait apparaître en elle le désir de quelque chose de plus grand pour sa vie. Saint Augustin commente : « Celui qui demandait à boire, avait soif de la foi de cette femme ». Dans chaque personne il y a un besoin inné de Dieu, du salut que Lui seul peut donner. Jésus vient étancher notre soif, une soif quasi infini qui habite le coeur de tout homme, une soif d’infini. Jésus nous offre à nous aussi cette eau, l’eau vive de l’Esprit-Saint.
Dans ce dialogue entre Jésus et la samaritaine nous voyons tracé l’itinéraire spirituel que chacun de nous, que notre communauté chrétienne est appelée à redécouvrir et à parcourir constamment. La Samaritaine est la figure de l’homme « illuminé et converti par la foi, qui aspire à l’eau vive et qui est purifié par la parole et par l’action du Seigneur. » Comme baptisés nous sommes toujours en chemin pour devenir de véritables chrétiens ; c’est « un encouragement à redécouvrir l’importance et le sens de notre vie chrétienne, le véritable désir de Dieu qui vit en nous. »
Deuxième dimanche de Carême :
Nous continuons d’accompagner Jésus au désert, et de créer cette espace où nous pouvons rencontrer Dieu, vivre de Lui, et aujourd’hui nous sommes sur la montagne avec Lui. Nous aussi Il nous emmène parce qu’il veut fortifier notre espérance. C’est comme un doigt de miel, un instant de bonheur suprême, que Jésus donne à ses trois apôtres : celui qui devra vaincre la peur pour ne plus renier Jésus ; celui qui le premier donnera sa vie comme martyre ; et celui qui se tiendra fidèle, debout, au pied de la croix. Jésus leur donne de voir ce qui sera la victoire, la gloire de la Résurrection. Le carême nous invite à progresser de jour en jour, sans crainte, sans perdre de vue la lumière que nos ténèbres ne peuvent arrêter.
C’est le propre de la vertu d’espérance de voir au-delà, comme en avance. Ce qu’on possède, on ne l’espère pas. Nous n’espérons pas venir à la Sainte Messe, nous y sommes. Pour ce qui me concerne, je n’espère pas devenir prêtre, je le suis. Nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, ce qui n’est pas encore advenu. L’espérance se manifeste tout particulièrement dans la patience et la persévérance.
Elle s’appuie sur la toute-puissance de Dieu qui veut pour nous notre bonheur, pas un bonheur passager, éphémère, sans suite, mais la béatitude éternelle, et sur la certitude que Dieu nous donne les moyens nécessaires pour l’obtenir.
L’espérance nous fait désirer comme notre bonheur le Royaume des cieux et la vie éternelle, en mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit (CEC 1817).
Nous ne devons pas viser bas, car Dieu est le bien le plus grand, celui pour lequel nous sommes faits. L’espérance nous fait voir grand pour la vie des hommes. Ce bien est au-dessus de nos forces, ainsi on ne peut espérer que de Dieu de l’obtenir. L’espérance repose sur la certitude de l’amour de Dieu pour nous : ce qui donne raison à notre espérance, c’est la fidélité et la bonté de Dieu, son secours.
Son siège est la volonté. Ce qui compte est notre fidélité à la Parole de Dieu et non nos sentiments. Vouloir ce que Dieu veut, le vouloir avec Lui.
Nous faisons un acte d’espérance toutes les fois où il est nécessaire de réclamer l’aide de Dieu. Il nous aide à ne pas nous décourager : nous savons qu’avec Lui nous parviendrons au but, même si nous sommes limités, faibles, fragiles, malades… pourvu que nous fassions simplement ce qui dépend de nous et que nous comptions sur la grâce de Dieu. Le drame, c’est de trop compter sur nos propres forces et pas assez sur Dieu, ou bien de ne pas faire le petit pas qui dépend de nous et que Dieu ne peut pas faire à notre place. Une maman peut porter la cuillère de nourriture à la bouche de son enfant mais si l’enfant reste les dents serrés…
La vénérable Marthe Robin, a 26 ans quand la maladie s’installe définitivement ; elle succombe au découragement « Je serai bien mieux dans la terre que dessus, à mon avis » mais en décembre elle prononce son fiat et son espérance est renouvelée : « Je souffre… mais l’Amour uni à l’espérance est invincible à toutes les épreuves… A mesure que les afflictions se multiplient, que les souffrances s’accentuent et se compliquent, je sens ma confiance devenir plus ardente. Jésus, oui, Jésus seul est ma douce et invariable espérance. » Elle avait une confiance totale dans la bonté et la force de Dieu. On peut rattacher aussi à cette vertu la confiance dans la Vierge Marie, en sa présence maternelle. Tendue vers le but final, elle se fondait sur le secours de Dieu pour la vie présente. Cette espérance n’était pas uniquement pour elle mais aussi pour tous ceux pour qui elle offrait sa vie : « Ainsi unissant à l’oblation de la Victime Infinie, mon travail obscur, mes pauvres petites actions, mes prières inconnues des hommes, tous mes sacrifices, toutes mes souffrances et mes immolations, et même la stérilité apparente de ma vie, je suis sûre de travailler non seulement à ma sanctification, mais de donner à Dieu une immense couronne d’élus capables de L’aimer et de Le glorifier éternellement dans les Cieux. » Elle désire le vrai bonheur de chacun, celui que seul Dieu peut donner.
Demandons au Seigneur d’avoir un regard d’espérance sur les autres, de voir en eux le bien, le meilleur qu’ils peuvent devenir. Notre espérance s’enracine dans le Christ ressuscité, notre foi en Lui. Accompagnons-Le toujours sur la montagne dans la prière, dans l’écoute de sa Parole, dans sa Présence eucharistique et notre espérance en sera fortifiée.
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