Carême : chemin vers Pâques
Quoi de plus anodin qu’une rencontre au bord d’un puits où on vient parce qu’on a soif ? La Samaritaine avait bien dû venir des centaines de fois, à la même heure : l’heure où elle serait sûre de ne trouver personne et d’être seule… elle portait en elle une autre soif, que personne sur la terre n’avait réussie à combler, et elle restait sur une série de 5 échecs.
Mais voilà, ce jour-là Jésus l’attendait, et ce qui semblait routine, habitude, va se transformer en un admirable cadeau, une découverte nouvelle sur la vie, pour sa vie. Jésus va se révéler à elle. Jésus va lui révéler où diriger sa soif.
Jésus ne laisse pas passer une seule occasion ; Il a soif aussi, soif des âmes, de notre bonheur, de nous sauver. C’est son cri sur la croix : « J’ai soif ! » Sainte Mère Teresa a voulu qu’il soit écrit près de Jésus au tabernacle dans toutes les chapelles des Sœurs de la Charité. Il nous le dit à chacun. Jésus a soif parce qu’Il aime, il aime chacun de nous et Il nous cherche de son amour. Il nous cherche comme le Bon berger qui laisse les 99 brebis pour aller chercher la brebis égarée. Il cherchait la samaritaine ; Il est allé à sa rencontre.
En ce carême il est bon que nous ressentions la soif qui habite notre cœur. Dieu seul peut l’étancher. « Comme un cerf altéré désire l’eau vive, ainsi mon âme Te cherche, Toi, mon Dieu. » L’homme est fait pour Dieu comme le poisson est fait pour l’eau. Le plus grand malheur, c’est de vivre et de mourir sans connaître Dieu et sans L’aimer. Alors Jésus nous invite : si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi Jn7,37 Qui croit en moi n’aura plus jamais soif Jn6,35. Au Ciel nous n’aurons plus ni faim ni soif (Ap7,15) parce que nous posséderons Dieu pleinement et rien jamais ne pourra nous l’enlever. Cependant Dieu ne veut pas attendre le Ciel, et nous non plus car nous passerions alors à côté…
Dieu cherche les vrais adorateurs, ceux qui adorent en esprit et en vérité. Ceux dont la vie est cohérente avec les vérités éternelles. Le Ciel se prépare sur la terre.
J’ai eu soif et vous m’avez donné à boire Mt25,35 Nous devons entendre la soif des hommes, entendre ce qui ne va pas, ce qui n’est pas juste, ce qui manque.
Sur le bord du puits Jésus n’a pas pensé à sa fatigue, Il en a même oublié de boire. Il a pensé avant tout au bien supérieur qu’Il pouvait faire. Il a pensé à cette autre soif de la femme qui, ici, représente toute l’humanité. L’humanité est en attente du salut que Dieu donne. Elle porte dans son cœur un désir qui est souvent enterré, enseveli sous la souffrance, les échecs, le ressentiment…
Dans la vie d’un chrétien les occasions les plus petites, les plus banales sont aussi des occasions de manifester l’amour de Dieu. Jésus ne laisse pas passer cette occasion. C’est à nous de la saisir mais ce peut être aussi à nous de la créer. Jésus est resté seul pour favoriser cette rencontre personnelle.
La Samaritaine ne s’est pas renfermée et elle ne s’est pas défendue quand Jésus a mis au jour l’état de sa vie et son état de vie : Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : des maris, tu en a eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. Qu’il est important de paraître face à Dieu tels que nous sommes. C’est la condition pour trouver le chemin de la liberté, pour guérir de nos blessures, pour adorer Dieu en esprit et en vérité par toute notre vie.
Si nous laissons passer le Christ dans notre vie ordinaire, au bord d’un puits ou ailleurs, il y aura aussi quelque chose qui changera, une transformation dans notre manière de vivre chaque rencontre, d’accomplir chaque geste.
Nous aussi devons pouvoir dire J’ai rencontré le Messie et Il a changé ma vie. Il a soif encore de changer la vie de beaucoup parce que son amour n’est pas épuisé. Aidons-Le. Il nous aide, Lui.
2ème Dimanche de Carême
Nous avons laissé Jésus la semaine dernière sur la montagne de la tentation, qu’Il a vaincue, et nous voilà ce dimanche sur une autre montagne où se manifeste sa gloire. Nous le voyons en pleine Lumière, tel qu’il est vraiment : vrai Dieu et vrai homme.
La montagne est le lieu de l’élévation, extérieure et intérieure. Nous aussi durant ce carême nous tâchons de venir à l’écart avec Jésus, encore plus ou mieux que les autres jours de l’année. Nous aussi nous voulons nous élever avec Jésus : il ne veut pas que le fardeau de la vie quotidienne nous écrase. La montagne devient le lieu de la libération, le lieu de la beauté, elle apparaît comme une respiration de l’air pur de la création, elle nous donne une élévation intérieure et nous fait pressentir Dieu, notre Créateur. C’est sur une autre montagne, le Golgotha, que Jésus nous ouvrira la porte du Ciel. C’est là qu’Il sera définitivement glorifié dans sa Résurrection.
Dans l’Evangile, quand Jésus va à l’écart, c’est pour rencontrer plus intimement son Père, pour prier. « La Transfiguration est un évènement de prière. Ce qui est visible, c’est ce qui se passe quand Jésus parle avec le Père. » BXVI Son union intime avec le Père illumine tout son être. Jésus est Lumière née de la Lumière : maintenant, ici, sur la montagne de la transfiguration cela devient visible, perceptible par les sens.
La Transfiguration de Jésus a un rapport avec la fête des Tentes, appelée aussi fête des Tabernacles. C’est une fête juive, elle célèbre dans la liturgie du Peuple hébreu sa sortie d’Egypte, sa libération lorsque le Seigneur l’a protégé, accompagné, couvert de sa nuée.
Il y a un rapport étroit entre la liturgie juive et la vie de Jésus. C’est un trait fondamental de la vie de Jésus. Les événements importants de la vie de Jésus ont un rapport avec le calendrier des fêtes juives. Ces fêtes sont une annonce de ce que Jésus va accomplir, une préparation ; la liturgie devient vie en Jésus puis sa vie conduit de nouveau à la liturgie que nous célébrons et qui aspire à redevenir vie en nous.
La fête des Tentes avaient plusieurs significations dans la tradition juive. Initialement elle implorait la pluie pour la terre desséchée ; elle se transforme en mémoire de la traversée du désert pendant laquelle les Juifs habitaient sous des tentes. Les tentes deviennent le signe de la protection de Dieu et l’espérance de demeurer avec Lui pour l’éternité.
Quand saint Pierre est tellement heureux qu’il veut dresser trois tentes, il voit dans la manifestation de Jésus la réalisation des promesses : le Messie est là ; l’espérance est accomplie, il veut demeurer avec Dieu qui s’est fait homme, Jésus. Oui, Il est là mais c’est dans la Passion et la Résurrection qu’Il sera pleinement manifesté. Saint Pierre devra encore patienter mais surtout apprendre à vivre en présence de Dieu dans la vie quotidienne, avec ses joies et ses peines.
Ce que nous célébrons chaque dimanche n’est pas à côté de notre vie, une parenthèse que nous ouvrons et que nous nous empressons de refermer dès que nous quittons l’église. Il y a un rapport entre la création, les événements du Salut célébrés dans la liturgie et notre vie.
Les apôtres redescendent de la montagne avec Jésus et ils doivent sans cesse s’imprégner de cette parole qu’ils viennent d’entendre comme une injonction : « Ecoutez-Le. » Jésus est la révélation du Père, Il est la parole même que le Père nous dit sans cesse et que nous devons écouter, c’est-à-dire réaliser dans notre propre vie.
La vraie fête des Tentes est venue : Jésus est la présence de Dieu parmi nous. C’est en Lui que se trouve toute bénédiction, celle qui a été promise à Abraham, celle dont saint Paul rend compte lorsqu’il dit que la grâce nous a été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles, et maintenant elle est devenue visible… il a détruit la mort, et il a fait resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile.
Nous avons un tabernacle dans chaque église où le Seigneur demeure mais c’est de nous qu’Il veut faire un tabernacle de sa présence pour notre monde.
Ne nous trompons pas d’arbre ! Nous sommes poussière et vie.
Le Seigneur
Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ;
il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être
vivant.
En commençant le carême nous avons reçu de la poussière sur le front. La cendre nous a rappelé que Dieu nous a modelé avec la poussière tirée du sol mais c’est pour mieux nous rappeler qu’Il nous donne la Vie, qu’Il veut que nous soyons des êtres vivants. C’est Dieu qui est la source de la Vie.
Je suis venu pour que vous ayez la vie et que vous l’ayez en surabondance. Dans le livre de la Genèse cela est exprimé par le jardin rempli de délices où Dieu donne tous les arbres à manger. Il y a d’abord un don, un don immense. Ce qui est premier, c’est le don, l’amour de Dieu qui donne la vie. Le fait que nous devions manger signifie que nous n’avons pas la vie en nous, nous devons la recevoir, l’accueillir sans cesse comme un don. Nous ne nous sommes pas donné la vie, la vie ne nous appartient pas comme une propriété ; nous ne pouvons pas nous suffire à nous-mêmes : nous avons à recevoir la vie qui vient de Dieu. Nous sommes des créatures, nous ne sommes pas le Créateur. C’est cela que représente l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
Le diable est un menteur quand il dit « Alors, Dieu vous a vraiment dit : ‘Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin’ ? », comme si Dieu ne donnait pas la vie ! La femme le sait et contredit le diable mais le doute est semé ; trompée, elle se trompe d’arbre car l’arbre qui est au milieu du jardin est l’arbre de la vie. Elle est en train de dire : Dieu ne veut pas que nous vivions ! comme un enfant à qui on interdit d’approcher d’un endroit dangereux pour lui et qui ne voit qu’une contrainte à son désir, à son caprice.
Le voilà notre malheur, c’est que nous nous trompons d’arbre !
L’arbre de la Vie… L’arbre de la connaissance du bien et du mal. L’arbre qui donne la Vie et l’arbre qui donne la mort.
Quand nous trompons-nous d’arbre dans notre vie ? Car c’est une histoire qui se répète.
Les tentations de Jésus sont une piste à explorer, une lumière sur notre vie. Il va au désert… lieu où ne pousse aucun arbre sauf deux ! Nos deux arbres symboliques se font face : Jésus, Dieu fait homme, qui est la Vie, et le diable, père du mensonge, qui prétend décider du bien et du mal.
Le diable cherche à flatter Jésus : « Montre ce que tu sais faire », « révèle ta puissance, manifeste toi. » Mais non, la divinité de Jésus reste cachée, Il veut jouer à arme égale avec nous, pour nous ; car c’est pour nous qu’Il s’est fait homme, c’est pour nous qu’Il est allé au désert, c’est pour nous qu’Il donnera sa vie sur la croix et ressuscitera.
A travers le récit des tentations se dessine déjà le récit de la Passion. Il a faim comme Il aura soif sur la croix, soif de notre amour, soif d’accomplir la volonté de son Père que nous pouvons accomplir nous aussi en écoutant la Parole de Dieu. Sur la croix le tentateur Lui dira de nouveau de descendre, jette-toi en bas ! Evite l’épreuve et la souffrance, ne Te donne pas tant de mal. Jésus repoussera encore la troisième tentation car son royaume n’est pas de ce monde, Il remet son esprit entre les mains du Père, ne rendant un culte qu’à Lui.
Je ne veux pas la mort du pécheur mais qu’il se convertisse et qu’il vive. Un arbre donne la mort et un arbre donne la Vie. Le Carême est un temps pour choisir la Vie, pour tailler et même couper, nous couper de la racine qui donne la mort.
Nous nous trompons d’arbre quand Dieu n’a plus la première place dans notre cœur et dans notre vie. Quand nous pensons que les biens de la terre sont plus importants que les biens du Ciel. Quand nous ne servons plus la vie dans sa fragilité et préférons donner la mort.
Dieu nous offre ces 40 jours. Il faut du temps pour descendre dans son cœur, se révéler à soi-même, reconnaître le besoin où nous sommes du salut qu’apporte Jésus mais encore plus pour reconnaître la manière dont Il nous sauve, nous conduit à la vie.
Le dimanche chrétien, avec la célébration de l’Eucharistie, est comme l’arbre de vie. Il est là au milieu de notre vie, au commencement de chaque semaine pour nous rappeler que nous avons à recevoir la Vie.
Abbé Pierre Peyret
Cendres
Rends-moi un cœur pur, renouvelle mon esprit ! C’est ce que nous demandons au Seigneur en reprenant la marche du carême. Chaque année nous commençons et nous recommençons parce que nous voulons plaire à Dieu, vivre avec Lui, de Lui et en Lui notre Père et notre Sauveur. Le carême nous invite à descendre dans notre cœur, à repartir du centre de notre vie, là où tout se décide. C’est le moment de faire de la place, d’ouvrir un espace, pour Dieu, pour les autres.
Tout part de notre cœur, de notre esprit. Si nous faisons de la place pour Dieu, c’est parce qu’Il est la source de la Vie, Celui qui seul a la possibilité de nous rendre à la Vie. Nous n’oublions pas que le carême a un but, il n’est pas une voie sans issue, il nous conduit à la passion et à la Résurrection, à la victoire de la Vie que Jésus a remporté pour nous. Il nous reste à l’accueillir, à la laisser grandir en nous, à en vivre.
Il y a dans l’Evangile de ce mercredi des Cendres comme une insistance, un refrain : ne soyez pas, ne faites pas comme les hypocrites. L’hypocrite, c’est l’acteur, et l’hypocrisie le jeu de l’acteur. Etre hypocrite, c’est jouer la comédie, faire semblant, donner l’apparence de ce qu’on n’est pas. Jésus demande d’aller au cœur, à la réalité de notre personne. Qui suis-je vraiment ? L’hypocrisie est un vice qui consiste à déguiser son véritable caractère, sa pensée profonde, des sentiments et spécialement des vertus qu’on n’a pas. L’hypocrite dissimule, il fait croire des choses qui ne sont pas ; il n’est pas fiable. Et cela est triste, et cela n’est pas chrétien.
La vie n’est pas une comédie faite de mensonges et de simagrées. C’est pourquoi Jésus nous invite à ne pas nous donner en spectacle. Il faut du temps, année après année pour être un, pour ne pas avoir une double vie, c’est-à-dire que notre cœur soit tout entier selon Dieu et passe tout entier dans notre vie et nous savons que c’est toujours à parfaire.
Le carême nous invite à aller avec Jésus à l’écart, même si c’est dans nos lieux habituels, avec nos activités ordinaires. Nous sommes invités à vivre avec Jésus une expérience d’ascèse particulière (Message du Pape). L’ascèse de Carême est un effort, toujours animé par la Grâce, pour surmonter nos manques de foi et nos résistances à suivre Jésus sur le chemin de la croix… Pour approfondir notre connaissance du Maître, pour comprendre et accueillir à fond le mystère du salut divin, réalisé dans le don total de soi par amour, il faut se laisser conduire par lui à l’écart et en hauteur, en se détachant des médiocrités et des vanités. Il faut se mettre en chemin, un chemin qui monte, qui exige effort, sacrifice, concentration.
Nous voilà en chemin, ensemble, dans l’Eglise sainte de Dieu. Ensemble, mais en sachant que c’est dans le cœur de chacun que la conversion doit se faire et se vivre. Il dépend de chacun d’entre nous d’aller dans le secret de notre cœur, de nous laisser regarder par Dieu, notre Père. Nous avons un spectateur divin, le Père qui nous aime et qui nous donne son Fils par amour.
Par amour faisons l’aumône… (laquelle ?)
Par amour prions, mettons-nous à l’écoute de la Parole de Jésus dont la joie est de faire la volonté du Père. (quel temps concret donnerons-nous ?)
Par amour jeûnons, ouvrons cet espace, offrons cette place vide où Dieu est attendu, où le prochain sait être accueilli. (importance de la régularité et de la persévérance).
Jésus nous entraîne par le don de Lui-même que nous célébrons dans la Saint Sacrifice de la Messe. Laissons-nous entraîner par Lui, porter dans son amour jusqu’à sa Pâque.
Abbé Pierre PEYRET
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