3ème et 4ème Dimanche de Carême
4ème Dimanche : Le fils prodigue
« Mon fils… ton frère… était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé. » A travers ces deux phrases se sont toutes nos relations qui sont décrites : nos relations avec Dieu, Notre Père, nos relations entre nous.
Voulons-nous donner de la joie à notre Père du ciel ? Sommes-nous dans la joie quand notre frère revient vers Dieu ? Ces relations peuvent être compliquées, et, elles le sont. Mais Jésus veut nous réconcilier, nous voir heureux et libres d’aimer.
Jésus ne nous dit pas de vivre dans une culpabilité mortifère comme si Dieu était un tyran avide de nous faire payer pour nos fautes. Le fils se condamne lui-même, il pense ne devoir plus être qu’un simple ouvrier de son père, et non un fils.
Jésus ne nous dit pas de nous épier les uns les autres, de regarder ce qui ne va pas chez notre voisin ou de garder la liste de ses méfaits. Il nous dit de nous réjouir quand il revient, quand il ressuscite. Il s’agit en effet d’une vraie résurrection : il était mort et il est revenu à la vie. A l’entrée d’un confessionnal dans une église de Lyon est écrit : ici on ressuscite ! Revenir vers Dieu est toujours une résurrection, une vie retrouvée, avec Lui, Notre Père, et avec notre prochain, nos frères et soeurs.
A notre démarche de pénitence durant ce temps de carême, Dieu a voulu associer le sacrement de pénitence. Ce n’est pas notre effort personnel qui nous convertit et nous rend meilleur, c’est la miséricorde de Dieu. Son amour nous devance, il nous précède et nous enveloppe. Il y a un double mouvement : si le fils fait le chemin du retour, c’est le père qui court vers lui, le prend dans ses bras, le revêt d’un vêtement, lui donne un anneau et des sandales. Il fallait que le fils reconnaisse ses torts comme nous devons reconnaître les nôtres mais c’est le père et lui seul qui le rétablit dans sa dignité de fils, le rend à la vie. Le père va au-delà de ce que le fils pouvait imaginer. Il ne s’attendait pas à une telle fête, à un tel rétablissement. Nous pouvons penser : c’est trop grave ce que j’ai fait ; il n’y a pas de solution ; je ne serai jamais pardonné. Mais Dieu a des capacités que nous ne possédons pas. Dieu veut plus et mieux que nous notre bonheur.
Dans les sacrements c’est toujours Dieu qui a l’initiative, c’est Lui l’Acteur principal. Le plus jeune fils ne s’attendait pas à une telle fête, il ne pensait pas pouvoir être réintégré ; le fils aîné non plus ne comprend pas : pour lui c’était un voyage sans retour. Son frère avait eu son dû, il avait fait son choix, il n’était pas question de revenir dessus. Cependant Dieu ne pense pas comme les hommes. « Mes pensées ne sont pas vos pensées. Et mes chemins ne sont pas vos chemins. » Dieu ne se satisfait pas de nos manques d’amour ni de nos bêtises d’enfant ; Il veut nous sauver jusqu’au bout, jusqu’au bout Il nous donne la possibilité de recevoir son pardon.
Ce qui est au cœur de la parabole c’est la relation : comment guérir nos relations ? Le jeune fils a brisé la relation avec son père, il pensait pouvoir vivre sans lui, indépendant de quiconque. Il nous représente quand nous vivons loin de Dieu, quand nous pensons ne rien avoir à recevoir de Lui ou si peu ou pas ce que Lui veut nous donner mais que nous n’acceptons pas, faisant comme si nous n’en avions pas besoin. En demandant sa part d’héritage le fils a tué son père, il l’a considéré comme déjà mort. Mais c’est lui, le fils, qui était mort dans son cœur, sans amour filial, sans amour fraternel.
Le fils aîné n’est pas relié non plus ; il le manifeste par cette relation brisée avec son frère : son absence ne lui a pas pesé ; il se passerait bien de son retour. Il nous représente aussi quand nous pensons n’avoir aucun lien les uns avec les autres : chacun sa vie, chacun ses problèmes…
Laissons-nous revêtir par Dieu de sa miséricorde. Dieu ne cesse de nous donner le vêtement de noces : déjà à Adam et Eve (Gn3,21 Le Seigneur Dieu fit à l’homme et à sa femme des tuniques de peau et les en revêtit.) Il nous le rend en entier ou en répare les petits accrocs dans chaque confession. Laissons-Le nous passer l’anneau au doigt : Il nous rétablit dans l’Alliance des enfants de Dieu. Laissons-Le nous mettre les sandales aux pieds : elle nous protège des futures blessures. Chaque confession sincère donne de la joie à notre Père et nous fait réaliser combien nous sommes faits pour vivre en relation. Grâce à elle nous pouvons célébrer les Noces de l’Agneau, partager le festin de l’Eucharistie, maintenant et pour l’éternité.
En ce 3ème dimanche de carême alors que nous serons bientôt à la moitié de notre parcours nous entendons de nouveau l’appel à la conversion. Il résonne comme une urgence car il y a péril : si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. L’insistance de Jésus nous dit qu’il ne faut pas prendre à la légère cette nécessité d’un changement. Il faut savoir reconnaître le mal et l’extirper jusqu’à la racine. Être membre de l’Eglise ne suffit pas, bien plutôt il y a une nécessité de cohérence, de délicatesse encore plus grande, celle de l’amour de Dieu, d’un Dieu qui souffre de ce que nous ne souffrions pas de ce qui le fait souffrir. Si nous aimons Dieu et notre prochain, nous devons apprendre à souffrir du mal commis.
« Les souffrances de l’Eglise viennent de l’intérieur même de l’Eglise, du péché qui existe dans l’Eglise. Cela aussi on l’a toujours su, mais nous le voyons aujourd’hui de façon réellement terrifiante : la plus grande persécution contre l’Eglise ne vient pas d’ennemis du dehors, mais elle naît du péché dans l’Eglise, et l’Eglise a donc un profond besoin de ré-apprendre la pénitence, d’accepter la purification, d’apprendre d’une part le pardon mais aussi la nécessité de la justice. Le pardon ne remplace pas la justice. » Benoît XVI 2010
C’est cette justice que l’Eglise sainte de Dieu veut rendre à ceux qui ont été victimes d’abus.
En s’approchant pour rencontrer le Seigneur, Abraham doit quitter ses sandales, car le lieu où il se tient est « une terre sainte ». Cette recommandation de Dieu résonne comme une exigence concrète. Dans la Joie de l’Evangile le Pape a écrit : « L’Église devra initier ses membres – prêtres, personnes consacrées et laïcs – à cet “art de l’accompagnement”, pour que tous apprennent toujours à ôter leurs sandales devant la terre sacrée de l’autre. Nous devons donner à notre chemin le rythme salutaire de la proximité, avec un regard respectueux et plein de compassion mais qui en même temps guérit, libère et encourage à mûrir dans la vie chrétienne ». Nous devons apprendre à reconnaître chacun comme une personne unique, faire en sorte qu’elle ne soit jamais considérée comme une chose, un objet dont on pourrait jouir à sa guise. Personne ne peut être utiliser, le corps n’est pas un objet, ni le mien ni celui de l’autre ; je ne peux m’en servir pour assouvir quelque fantasme que ce soit. Nous ne sommes pas plus propriétaires des âmes. Il s’agit alors de préserver la dignité des personnes, de servir la liberté des consciences et de respecter le cheminement spirituel ; ce qui demandent d’être attentif à l’intégrité des plus faibles et des plus vulnérables.
C’est l’attitude même de Dieu ; Il est attentif à chacun. J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple… j’ai entendu ses cris… je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer. Dieu se révèle comme celui qui voit la misère de son peuple, Il voit les souffrances que personne ne voit. Il veut délivrer ceux qui les vivent, leur ouvrir un chemin de reconstruction. Comment faire confiance quand on a été blessé ? Comment pouvons-nous chacun aider à cette délivrance ? Le temps du Carême s’offre à tous comme un chemin pour apprendre à vivre à la suite du Christ. Il nous faut accepter de renoncer à ce qui entrave notre marche vers Pâques ; il nous faut refuser de pactiser avec le mal. En écoutant la même parole et en partageant le même Sacrifice eucharistique, nous sommes appelés à grandir dans la communion.
Saint Paul dit : Ces événements devaient nous servir d’exemple, pour nous empêcher de désirer ce qui est mal comme l’ont fait ces gens-là.
En écoutant les victimes des abus, nous percevons la nécessité de regarder en vérité nos fautes et nos péchés. Le chemin du Carême est un itinéraire de conversion authentique que nous sommes invités à prendre sans hésitation. Il se déploie pour nous donner les moyens de retrouver une relation ajustée avec Dieu, avec les autres et avec nous-mêmes. Expérimenter la miséricorde de Dieu, accueillir son pardon peut être le don de ce Carême. Jésus fait entendre l’urgence de la conversion. Au cœur du Carême, il nous encourage à ne pas désespérer.
Si Dieu prend patience, il nous demande de nous tourner résolument vers Pâques. Ainsi, nous serons capables d’accueillir sa grâce transformante et agissante. La parabole du figuier nous enseigne l’espérance : Dieu peut faire porter du fruit à ce qui est apparemment sans vie. Au milieu des épreuves, nous pourrions douter de sa sollicitude. Comme le vigneron qui prend soin du figuier, chacun est invité à sa manière à exercer la charité. Alors, la vie l’emportera sur la mort.
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