Année de la famille 2
Est-ce que « aimer » s’apprend ?
Si nous étions des animaux tout serait instinctif, les animaux vivent selon un double instinct : conservation de l’individu, manger ; conservation de l’espèce, se reproduire. Si nous étions des animaux tout serait livré à l’instinct mais nous ne sommes pas des animaux. C’est pour cela que le scribe pose une question : nous réfléchissons, nous cherchons, nous prenons conscience de ce qui est important et nous poursuivons un but. La question du scribe « Quel est le premier de tous les commandements ? » manifeste une conscience et une volonté. Connaître le bien, ce qu’il y a de meilleur, et le mettre en œuvre.
Nous avons un corps, une sensibilité physique. Nous avons des sentiments et des émotions (appelés aussi passions) mais aimer ce n’est pas assouvir des besoins égoïstes ou se laisser aller à tous ses désirs qui deviennent alors des caprices. Alors « oui », aimer s’apprend et se cultive. Il ne s’agit pas de s’abandonner à ses passions ou à ses pulsions, celles-ci doivent toujours, pour être bonnes et justes, être intégrées, unies à la volonté qui cherche le bien.
Quand Jésus répond à la question en mettant l’amour de Dieu en premier, Il nous apprend l’ordre des choses, la hiérarchie des biens. Mettre Dieu en premier permet de viser assez haut dans l’amour, de ne pas nous arrêter en chemin. En visant le sommet, Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force, nous sommes invités à vivre pleinement notre condition humaine d’enfant de Dieu, à ne pas vivre en petits morceaux séparés. Cela s’apprend parce que ce n’est pas spontané, ce n’est pas inné.
Lors d’un concours à la radio on posa la question suivante : « quelle est la plus belle phrase qu’une femme puisse entendre ? » Après un long débat le jury attribua le premier prix à une jeune femme : « La plus belle phrase qu’une femme puisse entendre, dit-elle, est celle de son mari qui lui dit : « Reste couchée, j’y vais ! » lorsque le bébé se met à pleurer à trois heures du matin. Nous pouvons adapter cette situation à bien des circonstances dans notre vie. L’amour véritable vise toujours plus haut que les besoins primaires du corps.
En lisant Amoris laetitia, La joie de l’amour dans la famille, j’ai été surpris par une idée qui traverse toute l’exhortation, nous pourrions dire une idée transversale, il s’agit de la présence de la volonté. Le siège de l’amour est le centre de la personne, là où se nouent toutes les dimensions de notre être, là où nous prenons nos décisions. La volonté est tout ensemble le cœur, l’âme, l’esprit, la force. Jésus a lié les deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. L’amour est un engagement.
C’est le propre de la volonté de se déterminer, de décider, de s’engager. Le mariage est présenté sans cesse comme un engagement, engagement réciproque, conjugal, définitif, avec des dimensions familiales qui concernent aussi les enfants. Il invite à un dépassement, à un amour véritable qui se vérifie dans le don total de soi de manière inconditionnelle : « Un amour faible ou défectueux, incapable d’accepter le mariage comme un défi qui exige de lutter, de renaître, de se réinventer et de recommencer de nouveau jusqu’à la mort, ne peut soutenir un haut niveau d’engagement. » AL124 et encore : « Le refus d’assumer cet engagement est égoïste, intéressé, mesquin… Par contre… L’amour concrétisé dans le mariage contracté devant les autres, avec tous les engagements qui dérivent de cette institutionnalisation, est la manifestation et le gage d’un « oui » qui se dit sans réserves et sans restrictions. Ce oui signifie assurer l’autre qu’il pourra toujours avoir confiance, qu’il ne sera pas abandonné quand il perdra son attrait, quand il aura des difficultés ou quand se présenteront de nouvelles occasions de plaisirs ou d’intérêts égoïstes. » AL132
Dans l’engagement s’exprime la maturité de l’humanité de chacun, sa capacité à orienter sa vie pour ce qui en vaut la peine parce que cela la réalise pour lui-même et pour les autres. Laissons-nous enseigner par Jésus, aimer s’apprend. Il nous donne l’exemple par le don de Lui-même jusqu’au sacrifice de sa vie. Il ne nous offre pas un animal mais son propre Corps et son propre Sang ; Il l’offre pour nous à son Père, unissant en Lui l’amour de Dieu et du prochain que nous sommes.
Abbé Pierre PEYRET
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