Homélies de Carême 1-2-3-4
5ème Dimanche
J’attirerai à moi tous les hommes. Quand Jésus nous dit cela, Il nous déclare son amour. Il nous ouvre son cœur, nous montre le grand désir qui est le sien : notre bonheur, nous donner la vie en plénitude.
Nous sommes-nous laissé attirer par Jésus ? Qu’est-ce que cela signifie pour nous « être attiré » ? Qu’est-ce qui nous attire dans notre vie ? L’aimant attire le fer, qui n’y peut rien ; les papillons de nuit sont attirés par la lumière des lampadaires et y meurent. Ce n’est pas de cette attirance-là qu’il s’agit…
Jésus dit que c’est sur la Croix, depuis la Croix qu’Il nous attirera. Cela signifie que ce n’est ni par force, ni par surprise. Dieu ne nous impose pas son amour. Il respecte notre conscience et Il veut être aimé et servi par des hommes libres. Il ne nous tend pas de piège. Il n’est pas comme un voleur qui entre par effraction dans notre vie, notre intimité, par la fenêtre ou en cassant les portes.
Je me tiens à la porte et je frappe… si quelqu’un m’ouvre… Voilà la manière divine de faire. Dieu ne force pas notre conscience, Il la sollicite, l’éveille, parfois la réveille parce que nous sommes franchement endormis, comme anesthésiés ! Mais jamais Il ne l’enfreint.
Il s’agit donc aussi de nous laisser attirer mais consciemment : accueillir pleinement le Christ dans notre vie, être touchés au cœur, au plus profond de notre conscience.
Dieu voit bien que sa Parole glisse sur beaucoup d’homme comme l’eau sur les plumes d’un canard. Elle ne pénètre pas leur conscience, ne l’habite pas et ils vivent alors comme le fer ou le papillon de nuit, dirigés par le matériel, éblouis par de fausses lumières. L’amour qui se donne sur la Croix vient nous sortir de cette superficialité.
Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Tout ce temps du carême nous a invités, et nous invite encore, à retourner notre conscience, à l’habiter, à la former à la lumière de la vérité éternelle. La loi, nous devons la porter en nous-mêmes ; nous attacher à ce qui est juste et vivre en vérité.
Nous ne sommes pas venus à l’église parce que la police est venue nous chercher. Il en est ainsi chaque dimanche que Dieu fait. C’est Jésus qui nous invite, qui nous attire par sa présence, par son amour répandu et communiqué dans la Sainte Eucharistie. Jésus n’abolit pas la loi, Il ne la supprime pas. Il écarte le légalisme qui est un asséchement de la loi, qui fait de la règle une prison parce qu’elle n’est plus vécue de l’intérieur mais imposée de l’extérieur, comme une contrainte. Surtout elle n’est pas comprise comme un chemin de vérité et de liberté. Jésus ne supprime pas la loi, Il en donne le sens et la plénitude. Se faire sa propre loi, sa propre religion, son propre juge n’est pas un signe de liberté et encore moins de fidélité.
Les intentions de Dieu sont bonnes, toujours. Il nous ouvre des horizons plus vastes. Ne les fermons pas par notre manque de générosité ou l’étroitesse de notre esprit. Jésus nous invite à un don plus grand, à avoir le cœur large et les mains ouvertes : Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. Qui aime sa vie, c’est-à-dire qui s’y attache comme le papillon à la lampe qui va le brûler.
De quoi dois-je me détacher pour que l’amour aimant de Jésus m’attire ?
« L’expérience enseigne que celui qui ne s’abandonne pas à l’amour de Dieu finit, tôt ou tard, par s’abandonner à autre chose, finissant « entre les bras » de la mentalité mondaine qui conduit finalement à l’amertume, la tristesse et la solitude, et qui ne guérit pas. » Pape François
Nous savons que ce ne sont pas les lois qui sauvent ; nous ne changeons pas grâce à une série de « fais ceci », « ne fais pas cela » mais en raison de l’attirance de l’amour. L’amour qui fait habiter la loi dans le cœur. C’est l’amour qui s’est manifesté pleinement en Jésus-Christ et dans sa mort sur la croix pour nous. Ainsi l’amour, qui est Dieu lui-même, s’est rendu visible aux hommes, d’une manière auparavant impensable, totalement nouvelle et pour cette raison capable de renouveler toute chose.
4ème Dimanche
Il y a beaucoup de cadeaux dans notre vie ; nous recevons beaucoup de cadeaux. Mais le plus grand c’est celui qu’on n’attend pas ; qu’on ne mérite pas, qui nous tombe dessus sans raison. Ce n’est pas mon anniversaire, ce n’est pas ma fête, je ne viens pas de réussir un examen… et le voilà. C’est un pur cadeau parce que c’est un pur don. C’est de cela dont il s’agit dans les trois lectures de la Parole de Dieu de ce dimanche.
Il y a d’abord cette décision inattendue du roi de perse de mettre fin à l’exil du peuple hébreux. Le Peuple de Dieu avait été infidèle, il avait profané la maison de Dieu, il s’était moqué de Dieu en se moquant de ses envoyés. C’est la raison pour laquelle les habitants de Jérusalem avaient été chassés de chez eux. Et, maintenant, ils peuvent rentrer parce que leur oppresseur l’a décidé. Il leur fait un cadeau inespéré. Si nos œuvres sont mauvaises, si nous choisissons le mal, nous sommes comme en exil, exilés de l’amour de Dieu auquel nous nous fermons, que nous refusons d’habiter. Ne perdons jamais le souvenir de Dieu, le souvenir du bonheur de vivre en sa présence. Le fils prodigue avait aussi le souvenir de la maison de son père, du pain à satiété qu’y mangeait même l’ouvrier. La Mémoire, le Mémorial, que nous célébrons dans l’Eglise nous permet de garder vivant ce souvenir. Dieu nous attire à Lui, Il nous fait revenir…
Saint Paul nous dit l’extrême bonté de Dieu. Dieu ne sait que donner. C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés… Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Il n’existe pas de vie chrétienne sans cette conscience-là : nous sommes sauvés par grâce, gratis, gratuitement, par un don qui vient tout entier de Dieu, de son amour pour nous. Nous n’avons pas grand-chose à faire si ce n’est ne pas faire obstacle, enlever le couvercle. C’est comme une bouteille d’eau ; je peux la remplir, elle est prête à être remplie, à condition d’enlever le bouchon. Malheureusement l’homme met souvent le couvercle. Les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière… Celui qui fait le mal déteste la lumière. Il est encore temps dans ce carême de faire sauter le couvercle qui tient captive notre âme ou une part de nous-même.
Dieu veut nous faire grâce. Il veut nous rendre juste, nous justifier. C’est un coup de théâtre en deux actes : le pardon des péchés, nous sommes lavés, purifiés, libérés comme le peuple hébreu après l’exil : 1er Acte ; et, le 2nd Acte : la vie nouvelle dans le Christ nous est donnée ; l’obéissance à la volonté divine nous est accordée (CEC 1991). Nous imitons Jésus par toute notre vie jusqu’à partager la sienne et entrer dans la vie éternelle.
Dans l’Evangile Jésus nous parle de la Croix, quand Il sera élevé de terre et qu’Il attirera à Lui tous les hommes. C’est l’accomplissement du Psaume 120 : Je lève les yeux vers les montagnes : d’où le secours me viendra-t-il ? Le secours me viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre.
La justification nous a été méritée par la Passion du Christ qui s’est offert sur la Croix en hostie vivante, sainte et agréable à Dieu et dont le sang est devenu instrument de propitiation pour les péchés de tous les hommes. La justification est accordée par le Baptême, sacrement de la foi. (Cec 1992)
C’est la grâce des grâces, le cadeau des cadeaux ; Dieu ne compte pas son amour et ne retient pas la générosité de son cœur. La Croix rayonne comme un phare qui guide les hommes, et, elle aimante irrésistiblement leur cœur. C’est ce qu’on appelle la grâce prévenante. Le don de Dieu est toujours au-delà de nos possibilités, nous n’avons rien à Lui offrir qui soit à la hauteur de ce qu’Il est. Nous n’avons rien à Lui donner en échange. C’est pourquoi Il prend toujours l’initiative, Il nous précède et nous donne le premier mouvement, comme une mère qui met debout son enfant qui en est encore incapable. Saint Augustin dit : « Certes nous travaillons nous aussi, mais nous ne faisons que travailler avec Dieu qui travaille. Car sa miséricorde nous a devancés pour que nous soyons guéris. »
Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Réjouissons-nous de ce cadeau divin. Vivons selon la grâce reçue et demandons au Seigneur d’y demeurer toujours ou de nous y remettre si nous n’y sommes.
1er Dimanche
Si nous allons au désert du carême, si nous entrons en carême, ce n’est pas seul ; nous aussi l’Esprit-Saint nous conduit. Il est l’Hôte intérieur, notre guide. C’est immédiatement après son baptême que Jésus y est poussé. Pour nous aussi il s’agit de vivre la nouveauté du baptême, la vie nouvelle que Jésus a inaugurée. Celui qui est baptisé ne vit plus selon la chair, les tendances de la chair, mais selon l’Esprit. Il y a une nouvelle loi inscrite en nous, une loi de l’Esprit qui n’abolit pas la loi naturelle, la loi de Moïse, mais qui l’accomplit.
Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur … C’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme. Gaudium et spes 16
Le désert n’est pas un lieu vide : Dieu nous y attend. Dans le Livre du prophète Osée Dieu dit : « Voici, moi, je l’attirerai, et je la mènerai au désert, et je lui parlerai au cœur. » C’est ce que le Seigneur dit à notre âme, à notre conscience, le cœur de notre être. Cette conscience est le lieu intérieur où nous prenons nos décisions, le lieu le plus intime de notre être où Dieu nous parle. Nous voulons écouter Dieu, recevoir la lumière de l’Esprit-Saint. Le carême est toujours une invitation à nous retrouver, à marquer une pause afin de recentrer toute notre vie sur sa source.
La vie de l’homme ressemble parfois à un manège, à un de ces manèges qui tournent tellement vite que la force centrifuge éjecte tout ce qui n’est pas bien attaché. Le risque pour l’homme, c’est d’être éjecté de sa propre humanité, de la perdre en perdant le sens de Dieu, en perdant le contact de sa conscience, en perdant la lumière divine qui éclaire notre conscience.
Le carême, comme expérience du désert, veut nous ramener au centre. Il importe à chacun d’être assez présent à lui-même pour entendre et suivre la voix de sa conscience. Cette requête d’intériorité est d’autant plus nécessaire que la vie nous expose souvent à nous soustraire à toute réflexion, examen ou retour sur soi :
Fais retour à ta conscience, interroge-la … Retournez, frères, à l’intérieur et en tout ce que vous faites, regardez le Témoin, Dieu (S. Augustin). CEC 1779
Personne ne peut m’empêcher de faire le bien ; personne ne peut m’obliger à faire le mal : c’est cela la conscience et sa liberté. Nous pourrions penser qu’au désert les sujets et les objets de tentation ne sont pas très nombreux : pas de garde-manger à vider, pas de voisin à jalouser, pas de pouvoir à exercer. Si le désert est le lieu de la tentation, c’est parce que la tentation avant d’être extérieure est intérieure à nous-mêmes. Le désert me dit que je suis face à ma conscience, face à Dieu, seul Juge.
La conscience doit être informée et le jugement moral éclairé… L’éducation de la conscience est indispensable à des êtres humains soumis à des influences négatives et tentés par le péché de préférer leur jugement propre et de récuser les enseignements autorisés. Cec 1783
1784 L’éducation de la conscience est une tâche de toute la vie. Dès les premières années, elle éveille l’enfant à la connaissance et à la pratique de la loi intérieure reconnue par la conscience morale… L’éducation de la conscience garantit la liberté et engendre la paix du cœur.
1785 Dans la formation de la conscience la Parole de Dieu est la lumière sur notre route
Dans la vie d’un homme, il peut y avoir beaucoup de déserts non choisis : maladie, échec, problèmes familiaux ou professionnels… Le carême est un entraînement, un appel et un rappel : nous n’avons pas ici-bas de demeure définitive. C’est une traversée : si nous sommes au désert ce n’est pas pour nous y installer mais pour renaître, pour vivre dans la présence de Dieu, en vrai fils, à l’image de Jésus. Le chemin du désert annonce la victoire de Pâques. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le désert est le lieu du jaillissement de la vie. Il permet que se réalise le dépouillement de ce qui empêche la vie de se manifester, de rayonner.
Au désert du carême les mirages sont démasqués. Demandons à Dieu d’éclairer notre conscience par l’écoute de sa Parole, par le temps du cœur à cœur dans la prière, et le Sang de l’Alliance nouvelle sera ainsi fécond dans nos vies.
2ème Dimanche de Carême
Nous sommes invités en ce 2ème dimanche de carême à entrer dans la lumière et à écouter. Entrer dans la lumière divine de Jésus, et L’écouter, Lui, Dieu, Parole divine. Les disciples appellent Jésus « Rabbi », c’est-à-dire maître. Jésus est maître de vie, le maître qui nous conduit à la vie en plénitude, en surabondance. Tout le carême est un chemin de vie, pour la vie.
Quand on joue à un sport d’équipe (basket, foot, handball…) il y a des règles du jeu. Chacun se doit de les observer et un arbitre veille à ce que les règles soient respectées, suivies. Est-ce l’arbitre qui décide de la règle ? Peut-il la changer, la modifier un peu selon son envie ? Non ! Il en est le gardien. Il sait que sans la règle du jeu le match ne serait plus possible. Si chacun applique sa propre règle, il n’y a plus d’équipe, il n’y a plus de rencontre possible. Ce n’est plus du basket, du foot ou du hand.
Pour le grand jeu de notre vie de chaque jour, il y a aussi des règles, une loi intérieure. Dieu est la source, l’Auteur de cette loi intérieure que la conscience morale reconnaît. La conscience est comme l’arbitre : elle n’invente pas cette loi morale, elle ne décide pas ce qui est bien, ce qui est mal, elle l’accueille, le reconnaît et l’applique dans la vie.
Quand je change les règles, quand je trouve des excuses pour mal jouer, quand je ne fais qu’à ma tête sans tenir compte des autres, je tombe dans le subjectivisme (je deviens un mauvais arbitre). La loi divine, cette loi intérieure, elle, elle est objective. Elle correspond à notre vie, à ce que nous sommes profondément.
Le maître (magister) est celui qui en sait plus (magis) et qui m’aide à devenir plus moi-même : c’est magistral. Quand notre Père du Ciel, au moment de la transfiguration de Jésus sur la montagne, nous dit « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le », Il désire nous montrer la voie du bonheur. Dieu veut toujours plus pour nous ; il peut plus. Dans l’épisode de la Transfiguration nous avons une concentration de toute l’histoire du Salut. La présence de Moïse rappelle l’Alliance des dix commandements et celle du prophète Elie l’appel que Dieu ne cesse d’adresser aux hommes à se tourner vers Lui, à se laisser conduire par sa Parole. Le prophète ne fait que rappeler ce que Dieu dit.
Dieu n’est pas arbitraire, Il est juste. Il ne change pas la loi qui est bonne pour tous et de tout temps. Il vient plutôt nous la redire. Notre conscience a besoin aussi d’être éclairé : « Ta Parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route. » Une conscience formée est droite et véridique ; elle reconnaît ce qui est juste, elle défend la vérité. Il arrive que les pouvoirs terrestres, comme celui d’Hérode, en aient peur. Car, face à eux, existe un pouvoir supérieur : Dieu maître de notre vie. La loi des hommes, la loi que les hommes inventent pour leur vie en société, ne peut le contredire.
La loi des hommes n’est légitime, c’est-à-dire une vraie loi, que si elle correspond à la loi intérieure. D’ailleurs nous ne pouvons qu’être triste quand les gouvernements multiplient les lois extérieures, cela signifie que la loi intérieure n’est plus suffisamment présente, inscrite dans la conscience des hommes. C’est encore plus dramatique quand ils les multiplient pour aller contre celle-ci.
Il existe une objectivité du bien et du mal, comme il existe également une objectivité de la conscience. Par exemple, tuer ne peut jamais être un bien ; la conscience ne peut changer cette réalité. Cela est fondé sur la justice.
Le Catéchisme de l’Eglise Catholique (1785) nous dit qu’Il nous faut encore examiner notre conscience au regard de la Croix du Seigneur. La Transfiguration annonce la Résurrection de Jésus. Mais entre les deux Jésus donnera sa vie sur la Croix pour affirmer l’amour du bien et réparer ce que le mal a détruit. Devant la Croix la conscience de l’homme ne peut plus trouver d’excuses.
L’Eucharistie nous met au pied de la Croix, au pied de l’Amour vainqueur du mal. Laissons-nous toucher par lui, éclairer par lui.
3ème Dimanche
« Beaucoup crurent en son nom… Jésus, lui, ne se fiait pas à eux. » Jésus se méfie des apparences, Il voit les intentions ; Il sonde les consciences. Jésus nous connait et n’a pas besoin qu’on Lui dise ce que nous sommes. Il ne fait pas de différence entre les personnes ; Il ne s’arrête pas à l’extérieur, aux faux-semblants : Il sait ce qu’il y a en nous. Ne soyons pas comme Adam et Eve qui se cachèrent de Dieu, comme si un arbre pouvait les occulter, ni comme Caïn mettant ses mains ensanglantées dans son dos pour que Dieu ne les voit pas. N’ayons pas peur de paraître face à Lui tel que nous sommes. Nous ne Lui cachons rien, nous ne pouvons rien Lui cacher ; nous nous cachons à nous-mêmes. Il est sans aucun doute dommage que Jésus ait à se méfier de nous, c’est triste, mais c’est la réalité. Il le dira : « il ne suffit pas de me dire « Seigneur, Seigneur », il faut faire la volonté de mon Père. »
Chaque carême nous invite à changer cette triste réalité en vivant la cohérence de la foi. Il s’agit de vivre sous le regard de Dieu, de Le chercher en tout, de Lui permettre d’être présent. Si Jésus s’est mis en colère, c’est parce que Dieu n’est plus chez Lui. Là où Il devrait être le plus respecté, accueilli, Il est rendu absent par l’attitude des hommes. Il s’agit de vivre la foi « en esprit et en vérité ». La foi n’est pas une information mais un programme de vie… et nous n’avons qu’une seule vie. Pour les enfants elle est faite de famille et de repas, d’école et de jeux, d’amis et de camarades, de services et de repos, de prière domestique et de culte publique. Pour les adultes elle contient aussi le célibat ou la vie conjugale, le travail et les responsabilités sociales.
Faire la volonté du Père, respecter le Temple de Dieu que nous sommes, ne pas faire de notre conscience une maison de trafic : autant de cohérence nécessaire. Le Temple que Dieu veut habiter, c’est nous.
La 1ère lecture nous a redonné le programme dans ses grandes lignes, les dix commandements. Ils expriment le b.a.-ba de la vie de tout homme, le début de la route à suivre pour accomplir la volonté de Dieu, ce qui permet la vie commune en société et à chacun de parvenir au bonheur. Les dix commandements ne sont pas une nouveauté en eux-mêmes, ni réservés au Peuple qui les a vus formulés ; ils ne font que redire la loi de toute vie humaine, de toute société humaine.
La loi morale est l’œuvre de la Sagesse divine. Cec 1950 C’est notre Père qui nous parle avec amour, en désirant notre bien, en désirant nous conduire au bonheur. Les expressions de la loi morale sont diverses, et elles sont toutes coordonnées entre elles : la loi éternelle, source en Dieu de toutes les lois ; la loi naturelle ; la loi révélée comprenant la Loi ancienne et la Loi nouvelle ou évangélique ; enfin les lois civiles et ecclésiastiques. Cec 1952
La loi morale trouve dans le Christ sa plénitude et son unité. Jésus Christ est en personne le chemin de la perfection. CEC 1953
Ce qu’on appelle la loi naturelle est universelle (les dix commandements l’expriment à leur manière). En obéissant à la loi naturelle on obéit à Dieu… même si on ne le connaît pas, car cette loi est accessible à la raison humaine commune aux croyants et aux incroyants.
Face à une culture qui limite la rationalité aux sciences dures, elle insiste sur la capacité qu’à l’homme à saisir par la raison le message moral contenu dans l’être. Face à l’individualisme elle rappelle que ce n’est pas le contrat entre individu mais l’être même de l’homme qui fonde les relations sociale et politique. Face au laïcisme agressif, elle fait valoir que les interventions des chrétiens ne sont pas de nature confessionnelle mais relèvent du bien commun. Enfin, face aux abus de pouvoir que recèlent le positivisme juridique et que véhiculent certaines idéologies nous rappelons que les lois civiles n’obligent pas en conscience lorsqu’elles sont en contradiction avec la loi naturelle. Elle fixe les limites de l’autorité civile.
Au moment où nous nous retrouvons face à la présence réelle de Dieu entendons son appel à respecter sa Maison, celle que nous sommes appelés à devenir ou à conserver pour qu’Il puisse librement l’habiter.
Mercredi des Cendres
Nous voici réunis à l’invitation de Jésus pour entrer en carême, pour aller avec Lui au désert durant 40 jours. La poussière, faite de cendres, que nous allons recevoir dans quelques instants évoquera pour nous ce lieu sec et aride et par contraste nous ouvrira à la vie que Dieu veut nous donner au terme de notre chemin dans la Pâque que nous célèbrerons.
Nous ne marchons pas sans but ; nous ne vivons pas sans sens ; nous ne sommes pas sans ressources. La foi, l’espérance et la charité sont les trois moteurs dont le chrétien use pour s’abreuver à la source. Le carême est le temps favorable pour maintenir ou redonner à notre vie son sens. Dans les déserts modernes l’homme cherche aussi une oasis où se reposer de la sécheresse, de la dureté de la vie. L’Evangile nous offre trois moyens pour rejoindre cette oasis au cœur de nos vies.
Le jeûne, la prière et l’aumône, tels que Jésus les présente dans sa prédication (cf. Mt 6, 1-18) sont les conditions et les expressions de notre conversion. Le chemin de la pauvreté et du manque (le jeûne), le regard et les gestes d’amour vers l’homme blessé (l’aumône), et le dialogue filial avec le Père (la prière), nous permettent d’incarner une foi sincère, une vivante espérance et une charité active. (Message de Carême du Pape 2021)
Le jeûne nous fait comprendre tout ce que nous devons à Dieu, que nous sommes des créatures qui reçoivent la vie comme un don. Le jeûne est une route pour retrouver le goût de la création, pour vivre avec reconnaissance dans ce monde que Dieu a créé bon mais qui ne doit pas devenir un désert par notre exploitation ou notre surconsommation.
Jeûner consiste à libérer notre existence de tout ce qui l’encombre, même de ce trop-plein d’informations, vraies ou fausses, et de produits de consommation pour ouvrir la porte de notre cœur à celui qui vient jusqu’à nous, pauvre de tout mais « plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14) : le Fils du Dieu Sauveur.
La Prière nous rappelle que Dieu n’est jamais lointain ; Il est présent dans notre vie, Il est encore là dans nos déserts. Le désert n’est pas un lieu vide, il est un espace où nous pouvons enfin nous rencontrer nous-mêmes en déployant notre vie intérieure. Nous vivons souvent en dehors de nous-mêmes, nous pouvons même nous fuir ainsi.
Dans le recueillement et la prière silencieuse, l’espérance nous est donnée comme une inspiration et une lumière intérieure qui éclaire les défis et les choix de notre mission. Voilà pourquoi, il est déterminant de se retirer pour prier (cf. Mt 6, 6) et rejoindre, dans le secret, le Père de toute tendresse.
L’Aumône enfin retissera tous ses liens qui nous unissent les uns aux autres. Le désert peut être celui de la solitude, de l’isolement à cause de l’égoïsme et du repli sur soi. « Même la poussière de nos pieds nous vous la laissons » disent les disciples de Jésus à ceux qui ne les accueillent pas alors qu’ils annoncent le Royaume.
La charité est don. Elle donne sens à notre vie. Grâce à elle, nous considérons celui qui est dans le manque comme un membre de notre propre famille, comme un ami, comme un frère. Le peu, quand il est partagé avec amour, ne s’épuise jamais mais devient une réserve de vie et de bonheur… Vivre un Carême de charité, c’est prendre soin de ceux qui se trouvent dans des conditions de souffrance, de solitude ou d’angoisse
Que sera ce carême ? Ce que nous en ferons, ce que nous déciderons dès aujourd’hui de vivre, ce qu’il nous révélera de nous-mêmes, de nos relations avec les autres et avec Dieu au fur et à mesure que nous approcherons de Pâques. L’Eucharistie nous y fait déjà entrer, puissions-nous la goûter d’une nouvelle manière en étant profondément renouvelés par notre chemin de conversion.
Abbé Pierre PEYRET
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